Un gigantesque stock de cuivre et de cobalt, évalué à environ 2 milliards de dollars, s'est accumulé en République démocratique du Congo (RDC), démontrant les vicissitudes du marché de métaux considérés comme essentiels à la révolution énergétique.

Des dizaines de milliers de tonnes de cathodes de cuivre et de poussières de cobalt s'entassent dans l'immense mine de Tenke Fungurume, au sud-est de la RDC. La quantité de cobalt est estimée à 13 000 tonnes, soit environ 7% de la production mondiale de l'année dernière.

Les produits y sont bloqués depuis plus de neuf mois en raison d'un différend sur les redevances entre le groupe chinois CMOC, propriétaire du 80% de la mine, et son partenaire congolais en joint-venture, la société minière d'État Gécamines.

Cette affaire coïncide avec la volonté affichée de la RDC de renégocier les contrats qu'elle juge défavorables. Le président Félix Tshisekedi s'est rendu en Chine fin mai pour discuter, entre autres, des contrats miniers chinois. Interdiction d'exportation De juillet 2022 à avril dernier, une interdiction d'exportation a été imposée à Tenke Fungurume, la deuxième plus grande mine de cobalt au monde, avec une production mensuelle d'environ 20 000 tonnes de cuivre et 1 500 tonnes de cobalt, selon les chiffres de l'entreprise.

Les montants sont « stupéfiants », selon un expert minier en RDC qui a préféré rester anonyme. «Nous parlons de neuf mois de production tout simplement là, dans le sol. La perte pour le Trésor congolais est évidente », dit-il.

La valeur des stocks concernés est estimée à environ $1,5 milliards pour le cuivre et $340 millions pour le cobalt.

Une fois qu’un accord a été conclu en avril et que l’interdiction d’exportation a été levée, le CMOC a commencé à évacuer ses stocks massifs. Effondrement du marché Une libération soudaine de cobalt pourrait provoquer un krach sur le marché, où les prix sont déjà à des niveaux record. Cependant, la décision de vendre progressivement le produit a apaisé les craintes initiales selon lesquelles la reprise des ventes de Tenke Fungurume provoquerait des turbulences.

"Le prix du cobalt n'est pas affecté", déclare Zhou Jun, vice-président du CMOC et directeur de la mine. La majeure partie du cobalt sera vendue progressivement dans le cadre de contrats d'approvisionnement à long terme, explique-t-il.

Harry Fisher, analyste chez Benchmark Mineral Intelligence, juge également peu probable une nouvelle baisse du prix du cobalt. Toutefois, selon lui, les stocks pourraient prolonger la période de prix bas. Selon Fastmarkets, une société d'information sur les prix, les prix du cobalt ont chuté de 65% depuis mai 2022, passant d'environ $40 à $14 par livre.

Quant au cuivre, la production mondiale se chiffrant en millions de tonnes par an, il est peu probable que les stocks entraînent une baisse des prix. Apurement des stocks Vincent Zhou, porte-parole du CMOC, souligne que 57 000 tonnes de cuivre ont quitté Tenke Fungurume en mai et confirme que le cobalt sera vendu progressivement "en fonction de la demande du marché".

Lors de la visite de l'AFP sur la mine, des camions chargés de cuivre quittaient le site, mais il y avait peu de signes de départ du cobalt.

Cependant, CMOC est confronté à un défi considérable en termes de déstockage. Des rangées interminables de sacs de poudre d’hydroxyde de cobalt bordent le site minier, ainsi que des tas de cathodes de cuivre qui s’accumulent en poussière. Selon l'analyste Harry Fisher, l'écoulement du stock pourrait prendre jusqu'à dix mois, ce qui représente un « défi logistique ».

Pour évacuer le minerai, il existe une route qui mène aux ports de l'océan Indien, comme Durban ou Dar es Salaam. Cependant, il n'existe qu'un seul itinéraire et il est très payant, est fréquemment la cible de vols et se heurte à d'importants embouteillages. «Conflit de couple» Le contenu de l'accord trouvé en avril entre le CMOC et la Gécamines n'a pas été rendu public. Le vice-président de l'entreprise chinoise compare le différend à une simple bagarre dans "une dispute de couple".

L'expert minier anonyme suggère que le différend a finalement été résolu parce que Kinshasa avait besoin de fonds avant les élections présidentielles de décembre prochain. Selon lui, l’interdiction d’exporter n’a profité à personne. "Tout le monde perd de l'argent", dit-il.

Ce cas illustre le coût des conflits commerciaux dans l’industrie minière congolaise. La RDC est le plus grand producteur minier d'Afrique, fournissant plus de 701 TP3T de cobalt mondial, un métal crucial pour les batteries utilisées dans l'électronique et les véhicules électriques.

Lorsqu'on lui a demandé de commenter, la Gécamines n'a pas répondu. L'AFP a visité la mine de Tenke Fungurume dans le cadre d'un voyage organisé par le Cobalt Institute, un groupe de pression.

Source : Africanews